Call Me By Your Name : André Aciman se confie sur son roman Find Me

Douze ans après la publication de "Call Me By Your Name", André Aciman nous parle en exclusivité de la suite de ce roman, intitulée "Find me", sa réinterprétation des personnages d’Elio et Oliver et l’impact du film de Luca Guadagnino.

Douze ans après la parution de Call Me By Your Name -le livre était sorti originellement sous le titre Plus tard ou jamais en France avant de reprendre le titre du film-, le roman d’André Aciman qui racontait une histoire d’amour estivale entre un adolescent et un étudiant plus âgé, la suite vient enfin d’arriver. Find Me, en librairie le 29 octobre en anglais, suit la vie d’Oliver à son retour aux États-Unis après avoir quitté Elio en Italie, et nous révèle ce que la vie réserve aux deux hommes à l’âge adulte.Le livre nous fait également pour la première fois pénétrer dans la tête du père d’Elio. Le premier tiers est écrit de son point de vue, lui qui retrouve l’amour à un âge déjà avancé. "Il ne s’est jamais appelé Sami, à part dans le film", confesse André Aciman. "Mais bon, ce n'est pas grave, j’ai juste emprunté cet élément au film".

Le film auquel il fait allusion, c’est évidemment l’adaptation de Call Me By Your Name par Luca Guadagnino, succès rugissant du cinéma indépendant en 2017 avec Timothée Chalamet et Armie Hammer à l'affiche. Dix ans après la parution du livre, le film a fait découvrir cette histoire à un nouveau public et a donné une épaisseur au décor de l’action, l’Italie des années 1980. André Aciman adore le film : "Je pense être le seul auteur qui aime le film tiré de son livre".

Le roman et son adaptation cinématographique ont laissé beaucoup de lecteurs et de spectateurs en état de manque, voulant à tout prix voir la réunion des deux amants. C’est le défi que relève Find Me en se livrant à une exploration en profondeur de l’amour, de la vulnérabilité et de la mémoire. Depuis son appartement new-yorkais, André Aciman répond aux questions de Vogue sur le retour d’Elio et Oliver, sur l’impact du film et sur l’homosexualité.

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Pourquoi avoir écrit une suite ?

André Aciman : Les personnages ne vous quittent jamais. Je ne peux pas vous dire le nombre de fois où j’ai essayé de reprendre là où je m’étais arrêté et de décrire leurs vies. Je commençais toujours avec Elio comme personnage principal, et je me suis rendu compte rétrospectivement que c’était une erreur. Ensuite, par pur hasard, je me suis mis à écrire sur le père d’Elio, et j’ai compris qu’Elio allait surgir dans les recoins et j’ai su que je tenais quelque chose. Il s’agissait ensuite de choisir des dates auxquelles ils se racontent leurs histoires, et c’est ce qu’il se passe 10 ans plus tard, 15 ans plus tard, et 20 ans plus tard, exactement dans le même espace ouvert par Call Me By Your Name.

Dans le premier livre, vous décriviez le premier amour ; dans Find Me, vous vous intéressez à l’amour qui survient plus tard dans la vie. À la fois par le biais du père, qui tombe amoureux d’une femme plus jeune et par le personnage de Michel, un homme plus âgé avec lequel Elio a une histoire à la trentaine.

Oui, ce sont deux hommes plus âgés qui choisissent des personnes plus jeunes. J’aime beaucoup ce mélange des générations ; le fait que l’un fournisse une énergie qui manque probablement à l’autre, et que le plus âgé des deux offre une stabilité, une gentillesse et une sagesse qui viennent avec l’âge. Je trouve ça plus intéressant à décrire qu’une parité sublime entre les protagonistes: ”elle a 45 ans. Il a 45 ans”.

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Qu’est-ce que ça fait de retrouver Elio et Oliver ? Comment le lien qui les unit a-t-il évolué entre les deux livres ?

Ils sont de toute évidence plus matures, et ils ont conscience de la fragilité de la vie. Ils ont tous deux eu d’autres relations, ils savent qu’ils doivent être précautionneux et qu’une séparation, si elle devait advenir à nouveau serait dévastatrice. Find Me m’a donné un sentiment de conclusion et d’achèvement. Bien sûr, la vie est pleine de surprise, et tous les chemins ont leurs obstacles et leurs embûches, mais je pense que c’est la fin de l’histoire d’Elio et Oliver.

Quand vous avez découvert le film de Luca Guadagnino, était-ce à quoi vous vous attendiez ?

Oui et non. J’étais un peu préoccupé pour la fin, car on m’avait dit qu’il y avait un plan sur le visage d’Elio qui pleure, et je me disais que ça allait être trop sentimental. Évidemment ce n’était pas le cas, il apprenait juste une leçon incroyable : comment accepter la douleur et se résigner à la fin d’une relation. J’ai trouvé que c’était extrêmement bien réalisé. J’ai dit au réalisateur que la fin de son film était mieux que la fin de mon livre.

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Il y a une scène fameuse avec une pêche. Certains étaient déçus qu’Armie Hammer ne mange pas la pêche alors que dans le livre, Oliver la mange. Est-ce que ça vous a ennuyé ?

Non. Quand j’ai écrit cette scène, je me suis fait plaisir. Mais écrire est une chose, filmer en est une autre. Je pense que cela aurait été trop fort à l’écran. J’ai trouvé que c’était très bien fait. Je n’ai pas besoin de le voir manger cette pêche, de même que je n’ai pas besoin de voir des scènes de sexe crues, c’était très bien comme ça.

Comment avez-vous vécu la réaction au film ?

La puissance du cinéma est absolument incroyable. Aux États-Unis, près d’un million de personnes ont acheté le livre, ce qui ne serait jamais arrivé sans le film. Le livre était encore en rayons, mais pas de cette façon-là, ça a tout changé. Du jour au lendemain, je suis devenu un des auteurs de la liste des best-sellers du New York Times, ce que je n’aurais jamais imaginé. Je savais qu’ils allaient en faire un film, huit ans avant la sortie, mais je n’avais pas idée que ça pouvait devenir un phénomène mondial que tout le monde a vu. Le film a eu un impact très fort.

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Aimeriez-vous que Find Me soit adapté en film?

Oui, j’adorerais ! Je serais même heureux de participer à l’écriture du scénario. Dès la sortie du premier film, tout le monde parlait déjà d’une suite, mais je ne sais pas ce qu’il en est maintenant, toute l’équipe est très demandée.

Les relations gay ont souvent été écrites sur un registre tragique. Beaucoup de personnes LGBTQ+ ont aimé le fait que Call Me By Your Name soit exaltant. Était-ce intentionnel ?

J’écrivais sur l’attraction entre une personne et une autre, et l’incroyable force qui en émane. Les humiliations, les moqueries, la violence, ou le SIDA, ça ne m’intéressait pas. J’ai éliminé tous ces adversaires presque prévisibles des histoires gay. Pour le dire grossièrement, je voulais faire un Roméo et Juliette sans les Montaigu et les Capulet. Je ne voulais pas écrire un livre où un personnage se fait battre à mort, ce n’était pas du tout mon programme.

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Même si l’action se déroule dans les années 1980, vous personnages ne font face à aucune homophobie.

Non, je ne le voulais pas. Les gens savent qu’ils sont gay, et ça suffit, je dois dire que dans le monde dans lequel je vis, c’est ainsi que ça se passe.

"Find Me" d’André Aciman est publié par Faber and Faber et sera disponible dès le 29 octobre 2019

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